Mode de chasse à la grive – La tenderie aux grives
La tenderie est un mode de capture traditionnel autorisé dans seulement une soixantaine de communes du département des Ardennes. La tenderie remonte à une époque très lointaine et se transmet de génération en génération.
Les espèces concernées par ce mode de capture sont : la grive musicienne, la grive mauvis, la grive litorne, la grive draine, le merle noir.
La tenderie s’exerce au moment de la migration; elle est autorisée environ un mois (octobre). Depuis 1984, un arrêté remplace la simple tolérance des années précédentes et précise les modalités de cette chasse.
Ce mode de chasse, qui consiste à capturer la grive au moyen de lacets en crin de cheval, se pratique de deux manières : à la branche ou à terre.
La tenderie à la branche ou au brancher
Le tendeur commence par faire un trait de grivière, c’est-à-dire un tracé sinueux dans le taillis, parmi les baliveaux.
Quand la tenderie est plus ancienne, le tendeur se consacre à la révision du tracé du trait de grivière, ou voyette, à la réparation des dommages causés par le grand gibier et les promeneurs et surtout au remplacement des pliettes (aussi appelées ployettes, plierettes, ployrettes) en en posant de nouvelles. La pose ou le remplacement des pliettes consiste à fixer sur le corps d’un jeune arbre, au moyen d’un outil appelé fer à tendre, une branchette recourbée, ou pliette.
La pliette est faite d’une jeune pousse de la grosseur d’un crayon, taillée en biseau à chaque extrémité. Les essences les plus souvent utilisées sont les branches de bourdaine-nerprun, dont la longévité est de 3 à 4 ans, ou, à défaut, les branches de chêne qui ont l’avantage de se greffer sur le support si elles sont posées avant la montée de la sève (en mars). Sont employées accessoirement des branches de noisetier qui ne durent qu’une saison, les rejets de saule ou bien encore les branches latérales de mélèze.
Les pliettes sont cueillies à l’avance et les tendeurs consacrent des journées entières à repérer leur emplacement, à choisir les brins et à les couper. Elles sont ensuite conservées dans un sac en toile de jute et placées dans un endroit humide.
Il existe une assez grande diversité de pliettes: fixées ou suspendues, ovales, ogivales, semi-ogivales, rectangulaires, en arc de cercle, droites (perpendiculaires à l’arbre, appelées dans ces cas pipettes). Elles sont soit enfilées, soit clouées, soit liées. La forme la plus usitée est la forme en arceau.
La mise en place se fait à l’aide du fer à tendre. Ce dernier, est un instrument artisanal spécialisé qui constitue le seul outillage permanent du tendeur. Sa longueur (manche compris) varie entre 37 et 52 cm. La lame est soudée ou rivetée.
Le tendeur pratique avec deux fentes en séton dans l’écorce et l’aubier de l’arbre-support, à 20 cm de distance l’une de l’autre dans l’axe vertical, à une hauteur d’environ 1.50 m.
Cette hauteur correspond à un double impératif : être hors de portée des rapaces et des petits carnassiers.
La pliette est ensuite enfilée par son gros bout préalablement taillé en biseau (dès la récolte) dans la fente inférieure, puis pliée à la largeur d’un poing et ajustée à la fente supérieure pour former un arc ogival.
L’extrémité est alors taillée, puis enfilée dans la fente supérieure.
A la partie inférieure de l’arc ainsi formé, à environ deux doigts de l’arbre, le tendeur opère une incision longitudinale destinée à fixer la grappe de sorbes. Au centre de l’arc, le tendeur pratique une seconde incision autour de laquelle il enlève l’écorce.
Maintenant la fente écartée avec un couteau, il enfile alors le lacs de l’intérieur de la pliette par son double noeud terminal et l’ajuste de manière à ce que la base de la boucle soit à trois doigts de la base de la partie inférieure de la pliette.
Le lacs consiste en l’assemblage de deux crins de cheval de 30 cm de longueur, juxtaposés, dégraissés à l’eau tiède, noués en leur milieu, pliés, puis roulés entre le pouce et l’index et enduits de cendre de bois ou de cigarettes afin de former une torsade de quatre brins arrêtés par un double noeud.
L’extrémité nouée est enfilée dans la boucle appelée oeil, ou lumière, du lacs, aménagée à la pliure au début de la torsade, au moment de la pose.
Une fois fabriqués, les lacs sont rassemblés par centaines, roulés dans du papier journal et placés dans un carton ou une boîte en fer-blanc avec quelques boules de naphtaline.
Avant utilisation, ils seront trempés dans l’eau savonneuse ou mouillés de salive.
Le principe du piège est simple : la grive vient sur le perchoir de la pliette, passe son cou par la lunette (noeud coulant) du lacs pour atteindre la grappe de sorbes et se pend au moment de l’envol.
Les pièges sont disposés à raison d’une moyenne de quatre sur une distance allant de 4 à 6 mètres.
La tenderie à terre
La tenderie à terre est de conception plus simple que la tenderie à la branche. Elle est préparée après le fauchage et le nettoyage du trait de grivière, ou voyette.
Le tendeur prépare une coulée par laquelle devra passer la grive, pour délimiter cette coulée, deux branches cassées, appelées haillettes, sont utilisées.
Les haillettes, ou hayettes, sont constituées de deux rameaux assez touffus de noisetier ou de charme, plantés à 10 ou 15 cm l’un de l’autre, perpendiculairement au trait de grivière.
Leur hauteur est de 15 à 20 cm du sol, elles forment ainsi une petite haie, d’où leur nom.
Un piquet est planté à 10 cm à droite du passage ainsi constitué. L’écorce est enlevée sur les faces latérales dudit piquet, à moins de 20 cm du sol (15 à 18 cm). Le piquet est alors percé et le lacs y est enfilé de l’intérieur du passage. La base de la boucle du lacs est ajustée à trois doigts du sol (6 cm maximum).
Les hayettes sont disposées tous les 4 ou 6 m dans le sentier.
Le strict respect de la réglementation lors de la mise en place des hayettes ou des pliettes évite les captures d’autres espèces que grives et merle noir.