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extrait du livre ” Toine des garrigues”

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    jean-paul13
    jean-paul13
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    2019-03-02 16:01:00

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    bonjour,

    un petit extrait du roman de chasse “Toine des garriguesque vous pouvez commander directement sur le site, rubrique LIVRES et lien ci-contre

    “Il y a quelque chose d’anachronique, d’irréel. Ils sont tous les trois à se regarder, à s’écouter, paumés, cloîtrés, coincés, placés dans la pénombre de leurs perceptions et de leurs émotions.
    Ils sont trois, ils avaient été plus.
    Pour le père, c’est normal, dans l’ordre des choses, il y a bien longtemps qu’il est parti, c’est naturel comme on dit. Il a franchi la rivière, il est de l’autre côté.
    Pour l’autre, on ne sait pas, c’est celle qu’on ne sait pas, celle qu’on ne sait plus. Celle qu’on a perdue.

    La seule pièce à vivre de cette grande bâtisse n’est même pas carrelée. C’est encore de la terre battue, c’est humide, ça colle aux pantoufles de Toine. Comme le secret de famille, ça leur colle bien
    fort à tous les trois, ça les enveloppe d’une grosse chape de non-dits, il en faudrait beaucoup des cataplasmes et des lavements pour extirper tout le pus.
    La vieille elle pianote avec ses doigts, ça fait une drôle de musique.
    Elle oublie tout, elle fait du tricot, c’est nouveau. Elle s’installe dans son automatisme, elle est passée du crochet au tricot. C’est un peu plus difficile. Elle ne se souvient pas, elle ne sait plus, elle a oublié.
    On sent qu’il y a eu des sous ici, il y a même le tableau de Toine.
    Tobby le chien n’est même pas venu faire la fête à Toine, il est collé au frère, il le protège.
    Il attend, il sait d’instinct que c’est pour ce soir.

    Ces jours-là, la mère reste à la maison, elle attend que Toine et le frère reviennent.
    De la chasse.
    Ah, c’est une sacrée tribu ! Ils sont passionnés, un peu fous aussi, coureurs des bois, des plaines, des garrigues tout près de chez eux.
    Ils n’ont même pas l’action de chasse de la communale, comme ils sont fadas ils en sont réduits au braconnage, bien sûr ils n’ont pas le permis.
    En plus des deux frères il y a le Tobby, chien de rien, chien perdu, sans papier qu’ils avaient recueilli un jour au détour d’un sentier de colline, assoiffé, à moitié mort, desséché comme une figue trop mûrie et pas encore tombée de l’arbre, écorchée par dix mille insectes piqueurs.
    Et le Tobby, c’est quelqu’un : il fait partie de la famille, même la mère le respecte.
    Il a sa place à table mais n’y mange pas, un peu en retrait, il surveille, à sa place, assis bien droit sans jamais mettre les pattes sur la table.
    Il fait partie du clan, de la famille, de la tribu, de la chaleur, du foyer.

    Et bien entendu, le clan chasse à la manière des loups, non pas qu’ils pistent et courent les bêtes jusqu’à la mort, non, ils chassent de concert, guidés les uns les autres par les gestes, un regard, une
    attitude, dans le silence, sans se parler, sans jamais siffler le chien, à l’instinct d’abord, puis dans l’action avec une précision effroyable, pour remonter les pistes, déloger le gibier, le poursuivre, l’arrêter et le tuer.

    Jusqu’à aujourd’hui…

    La mère a attendu, et encore attendu. Zoé a tout préparé, le repas, dressé la table, tout en ordre. Elle a fait tout réchauffé, re-réchauffé, laissé refroidir. Tant pis.
    Mais alors ?
    Personne ne rentre, ni Toine, ni le frère, ni Tobby, tous en retard, absents.
    La mère est sortie, elle n’a même pas fermé la porte. Il lui semble avoir entendu un coup de feu, mais c’est loin, très loin, même plus sur la commune, peut-être même pas sur celle d’après.
    Elle s’est dirigée droit vers la forêt, vers la chasse, de toute façon c’est dans la direction du coup de feu mais il fait nuit, il y a beaucoup d’étoiles, un peu de vent, il fait frais, elle a froid, elle a peur.
    Elle connaît les lieux car si elle ne chasse pas, elle ramasse le bois, les champignons, les herbes sauvages, de la salade, les escargots…

    Mais là il fait nuit noire, elle ne reconnaît pas bien, elle avance à l’instinct, elle s’arrête souvent et elle écoute.
    Mais rien, non. Rien de rien.
    Elle s’est assise, elle ne sait plus, elle a pris sa tête entre les mains, elle tremble.

    C’est Tobby qui l’a trouvé, qui lui a léché le visage.
    Elle l’a suivi, elle marche vite, le plus vite possible et Tobby ouvre le chemin.
    Enfin, elle les a entendus, ils chuchotent, ils viennent vers elle, concentrés sur la besogne, soufflant comme des forges, arqués sous le poids de la bête attachée sur deux grosses branches bien droites.
    Ils sont arrivés à la demeure bien tard, ils ont peu parlé, ils ont mangé, ils ont bu le vin.
    Ils se sont mis de suite à l’espille, ils ont vidé la bête, ils ont préparé les morceaux.
    Ils ont « fait la viande ».
    Ils se sont couchés au petit matin.
    Crevés, heureux, comblés.


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