l’Ancêtre
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Bonjour,
Voici un récit un peu similaire à la vidéo postée le jour de l’ouverture. Ce récit devait être publié dans la revue d’information de la fdc13 “chasser en provence” puis avec toutes les histoires… qui ne sont pas que de chasse… c’est passé aux oubliettes. Alors autant en faire profiter les collègues du site !
a+
jpL’Ancêtre
A l’époque je chassais avec une bande de copains des Milles, une bourgade du côté d’Aix en Provence.
On s’était donné rendez-vous au petit jour sur la place des Milles.Ça avait mal commencé, j’étais le premier arrivé sur la place du village, une voiture garée vrombissait et il sortait une fumée opaque qui enfumait toute la place. Je m’approchais, à l’intérieur de la voiture un jeune dormait, le pied coincé sur l’accélérateur.
Les copains arrivés, Jeannot, Popol et Alex, on a vite compris que le jeune en question était complètement « bourré », sorti certainement de la boite à proximité… comme il y avait urgence on a téléphoné aux pompiers.Le temps qu’ils arrivent, et qu’ils sortent le soûlard en question après avoir éteint le moteur de la voiture qui était à deux doigts de prendre feu, il était plus que temps de prendre le chemin de la chasse sur le plateau de l’Arbois.
Au moins on avait fait « bonne ½uvre ».
Le sort ne nous a pas vraiment récompensés par la suite…
A part la 4L de l’Emile, on était seuls.
L’Emile, c’était l’ancêtre, 96 printemps, des Milles.
Un monsieur respectable, du temps des cataplasmes, du temps de l’avant-guerre, du temps où les Milles c’était un village agricole avant de devenir la banlieue commerciale des grandes surfaces. Heureusement il nous restait tout le plateau de l’Arbois, le plateau des dernières compagnies sauvages de Rouges.Mais l’Emile, l’Ancêtre, il y avait longtemps que son Robust n’avait pas ajusté une seule Rouge… Cela faisait bien 10 ans qu’il mettait la même paire de cartouches de Manufrance dans son vieux 12, et pourtant il prenait chaque année son permis.
On le voyait parfois marcher, courbé sous le poids de l’âge, sur le chemin qui coupait en deux tout le plateau, les palombes pouvaient passer tranquillement, le fusil de l’ancêtre ne quittait pas son épaule.En ce qui nous concernait, le chien Gaspard, qui n’aimait pas que je chasse en compagnie, nous faisait de faux arrêts, bref, il faisait « la gueule » …
Les collègues se sont alors décidés de chasser ensemble et je restais avec Gaspard.
A force de se décaler du groupe, on a fini par chasser au loin avec Gaspard, tout heureux de retrouver son patron et ses habitudes… on a alors prospecté les collines ou de rares faisans laissaient des effluves fugaces … au détour d’un vallon, on est parvenu à proximité d’un petit champ de verdure, jeunes céréales semées pour le petit gibier qui attiraient toute la plume du secteur.
Gaspard a tenu un arrêt magnifique contre un roncier au bord du champ, et ce qui devait arriver, arriva… le coq a décollé avec des cris métalliques et toute la puissance de ses ailes. Aveuglé par le soleil levant je n’ai pu vraiment apercevoir le coq qu’un peu tard. La seule cartouche tirée semblait avoir porté la gerbe tout devant… je voyais maintenant distinctement le coq porté par sa fulgurante vitesse filer, filer encore au plus loin que mes yeux pouvaient suite sa course. Il m’avait bien semblé qu’il tombait plus ou moins, mais bon, ce n’était peut-être qu’un mirage de mon esprit en pleine confusion…
Je filais donc en direction du vol du coq et j’ai bien dû faire pratiquement un kilomètre quand je me suis retrouvé sur le fameux chemin qu’empruntait habituellement l’Ancêtre.
Et l’Ancêtre était particulièrement courbé ce jour-là ;
– Oh, l’Emile, bonne chasse aujourd’hui ?
L’Emile ne me répondait pas, occupé à priori à fouiller sa gibecière avec sa main dans son dos, mais les plumes du coq dépassaient la vieille veste…
– Si vous le voulez, il est à vous puisque c’est vous qui l’avez tiré, il est tombé devant moi…
– L’Emile, ça reste entre nous, mais ce coq je ne l’aurais jamais retrouvé, il est à vous, il n’était pas vraiment mort, non ?
– C’est vrai, il battait encore des ailes, mais bon, il était bien fatigué …
Il n’y avait que Gaspard qui n’était pas vraiment d’accord, fouillant avec son museau la gibecière de l’Ancêtre. Comme je craignais qu’il finisse par faire tomber l’Emile, on a coupé court à notre discussion et alors que je tournais les talons j’ai simplement entendu
– Merci !
Il m’a bien semblé voir une larme sur la joue de l’Ancêtre, mais ce devait être la lumière du soleil levant qui me jouait encore un tour…On est rentré avec les collègues, le Popol, heureux d’avoir enquillé une palombe, Alex qui avait « fait » un doublé de chachas et le Jeannot, bredouille comme à son habitude.
C’est lui qui me questionnait, inquisiteur :
– C’est bien toi qui a tiré « aux quatre chemins » du côté du semé ?
– Oui, une Rouge isolée, mais elle est partie trop loin…
–
Le lendemain le journal « La Provence » titrait« L’Emile, 96 ans, toujours bon pied bon ½il ! »
Et on pouvait voir l’ancêtre lever fièrement – à la manière de la gloire de mon père- le coq au plus haut qu’il le pouvait, planté bien fort sur ses deux jambes sur la place du village des Milles.
Cette place qui a vécu 2 événements majeurs en une seule journée !!!
C’était, hélas, la dernière saison de chasse d’Emile qui a emporté avec lui notre petit secret au pays des chasses éternelles.
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